Photo © Suzi Medeiros

Sois toujours poëte, même en prose

6 mars 2009

Pourquoi je rap...?

Tu m’as demandé pourquoi je rap et j’ai figé, je suis resté aussi neutre qu’une statue, aussi muet que silence, je ne savais quoi répondre car aucun mot ne me venait à l’esprit, j’aurais pu dire n’importe quoi, évoquer n’importe quelle salade, mais rien ne m’aurait satisfait réellement, rien n’aurait expliqué cette obsession que j’ai pour les mots et les percus, chose qui t’a profondément choquée,

Aussi simple que cette question pouvait paraître,
Je suis resté immobile, à fixer le vide, à voyager dans le néant, à creuser dans ma tête sans atteindre le fond de mes idées, j’aurais pu parler de mes buts, de mes passions, de mes ambitions ou de carrière, j’aurais pu parler de mission, m’inventer des raisons comme un politicien invente une rhétorique habile pour gagner des intentions de vote, mais si j’avais répondu, je me serais senti trahi, je serais resté sur mon appétit, peut-être n’avais-je tout simplement pas la réponse car personne ne me l’avait posé auparavant,

Aussi banal que cela puisse paraître,
Je me suis rendu compte que je rappais sans penser comme un animal mange et dort sans se questionner, comme un automatisme-né dans les réflexes du chien de Pavlov, cette question me hante encore aujourd’hui, car je n’ai toujours pas de réponse précise, encore aujourd’hui il m’arrive de me demander pourquoi, d’entendre la voix d’un adulte qui tente de me ramener sur terre, de me dire que c’est un jeu d’enfant ou d’adolescent, que je ne suis pas digne de porter l’habit de ma poésie, que je devrais m’assagir et passer à autre chose,

Aussi choquant que cela puisse paraître,
Après ça me revient, cette fièvre qui m’emporte dans l’engouement de vouloir créer un rythme sur papier car une feuille vide me fait penser à un instrument que l’on ne joue pas, je lance alors des jets d’encre dans un cycle dément, après je récite, j’enregistre,j’écoute et je deviens mon propre fan, j’attends toujours de savoir ce que mon âme va concocter cette fois, l’effet surprise, le cadeau que je porte en moi,

Aussi narcissique que cela puisse paraître,
j’ai parfois peine à croire que c’est moi que l’on entend car ces idées me sont venues comme par magie, comme si on m’avait soufflé un brin d’intelligence pour un instant et que je l’ai régurgité ensuite,

Aussi étrange que cela puisse paraître,
Parfois certains m’avouent apprécier mon œuvre, alors je me remets au processus, je retourne à l’usine, dans ma chaîne de production, peu importe le coût, même si je sais que ma musique est parfois un investissement sans-retour, comme une automobile, comme une voiture qui me permet de voyager dans l’inconnu, alors je me dis que j’accomplis peut-être quelque chose, c’est là que je reviens à moi-même, que je retourne à un moi le plus pur, le plus près de mon univers,

Aussi bizarre que cela puisse paraître,
Malgré le martelage de ma raison, mon inspiration gagne le dessus, même sans contrat de disque, sans site web ou de rotations sur les stations, car ce principe me va comme un gant et me permet de vivre, d’être, d’immortaliser mes pensées comme une photo immortalise une image, d’avoir l’impression de retenir l’attention du silence, de rallier des solitudes,

Aussi nébuleux que cela puisse paraître,
Ensuite je réalise que je porte un don, qu’il me faut l’exploiter d’une manière ou d’une autre sinon c’est toute ma personne qui risque d’éclater, je ne peux peut-être pas réparer ta laveuse-sécheuse ou réanimer ton cœur mais je peux écrire une chanson qui vient du cœur, sur un fil d’artère, je suis beaucoup plus que ça et je ne prétends pas être plus, c’est tout simplement chose que je fais, de cause à effet, chose qui me permet d’être, de donner un héritage de moi-même comme un peintre peint, comme un photographe enregistre des images, comme un b-boy break, ou comme un sculpteur sculpte, de laisser un héritage de lyrisme dans les vestiges du temps, c’est ce qui rallie mon être au monde, au tout-puissant, au tout, à tout ce qu’on appelle divin ou matière, rapper pour rallier les deux bouts de l’infini, rapper pour flotter dans l’atmosphère, rapper pour les pours, rapper pour rien,

Aussi flou que cela puisse paraître,
Tu m’as demandé pourquoi je rap, et je te répondrai par trois points de suspension,...

1 commentaire:

Anonyme a dit...

superbe ce blog ! merci de la visite je vous mets dans mes liens
lam