Photo © Suzi Medeiros

Sois toujours poëte, même en prose

16 décembre 2009

Ton cuivre au froid

Ne laisse pas ton cuivre au froid,
Sa musique risque de prendre effroi,
Par malheur son métal ne sera plus jamais droit
Et ses notes nous sonnerons comme un corbeau qui croa,
C’est à tous les musiciens que tu fais honte,
Espèce de rack-à-muffin qui nous trompe,
Louis Armstrong pourrait sortir de sa tombe,
Pour t’étouffer avec la trompe de sa trompette,
C’est que cette manie me rend pompette,
Encore plus perplexe que complexe,
Ne laisse donc pas ton harmonica sur ton arrière banquette,
Tu trahis la jig à la bonne franquette

C’est au blues que tu nuis,
C’est toute une foule que t’ennuies,
Toute une foudre pourrait éclater dans nuit,
Parce que tu ne garde cet instrument en vie,
Pense à tous ceux qui t’envient,
D’avoir un cuivre aussi bien nanti,
Au pire donne-le à un apprenti,
Pour qu’il puisse l’avoir sous son emprise,
C’est une brise de vent en moins,
Que de ne pas en avoir pris soin,
Personne ne veut mourir de frette ou de faim,
Pas plus un instrument qu’un être humain,
Tous les deux ont des sentiments,
Car c’est à travers nos émotions qu’ils survivent,
Ne laisse pas mourir ton instrument,
Ton destin et le tien pourraient être garant d’une surprise

Le froid fait craquer ses parois,
Comme les os de notre corps,
De sa vie tu n’es pas roi,
Laisse-le au moins vivre à travers les âges,
Au pire garde-le dans ta poche de manteau,
Ou donne-lui un poncho,
Bon Dieu du ciel donne-lui un peu de chaud,
Cet instrument n’a besoin de peu de choses,
Seulement d’entretien et de peu d’attention,
Une petite guirlande de soin pour le bien de ta chanson,
Pense à lui 2 secondes,
Au lieu de penser à ta personne narcissique de ce monde,
Ton cuivre t’attend,
C’est à toi de ne pas l’oublier,
Donne-lui ton bras de gitan,
Ou glisse-le dans ton soulier,
Fou allié que tu sois,
Même si c’est sur tes lauriers que tu t’assois,
J’te dirai cette chose qu’une seule fois,
Ne laisse pas ton cuivre au froid

On colonise pis on colonise

Ya pas que par les armes et la force qu’on colonise,
Mais aussi par l’image et les postes qu’on syntonise,
On vole des hectares de valeurs,
Petit peu par petit peu,
Tuant autonomie et cultures à petit feu,
L’impérialisme culturel est massif,
Il est machiste,
Tu te fous le doigt dans l’œil si tu pense qu’il est humaniste,
Il nous dit que l’homme noir est agressif,
Que la femme doit être aussi mince qu’anorexique,
Que ton voisin musulman est peut-être un terroriste
Parce qu’une Mosquée moyenne est productrice de dynamites

On colonise pis on colonise

Les minorités on les minorise,
Notre routine on la terrorise,
Notre pensée critique on la range dans la remise,
La femme on la sexualise,
La gauche on la radicalise,
Notre pensée on la médicalise
Pis la belle vie on la paradicalise
C’est presqu’une propagande,
Quand j’vois des Francos militer contre leur propre langue,
On britannise nos âmes et nos phrases,
Pis on bétonise nos espaces,
On abrutise la jeunesse
Pis on américanise nos business

On se fait coloniser j’vous le jure,
Arrête de rire c’est pas un jeu,

On range l’autochtone sous le tapis du silence,
Ou on le bitume sous le ciment,
On coke les standards de beauté,
Avec des images publicitaires qu’on peut pu ôter,
Ça nous saoule pis on voit tout croche,
Pis on se perd tout bord, tous côtés,
On colonise pis on nous gargarise,
On nous enfantise en garderie,
On barbise les blondes,
On barbuse les barbus,
On barbarise l’inconnu,
On module par la mode,
On pâte à modelise nos commodes,
On accomode que très peu
Pis j’trouve ça mal commode

On colonise pis on colonise

L’impérialisme mondial est là,
Hélas,
Y’a que les inconscients qui sont des lâches,
On paresse les âmes,
Pis on caresse nos tentations sous tous les angles,
On colonise pour l’argent,
Un peuple mal instruit c’est plus obéissant,
C’est plus profitable aux tout-puissants,
Que ceux-ci soient présidents,
Francs-maçons, raps superstars ou belligérants,

On colonise pis on colonise

On internationalise les idées,
Comme si un ski-doo c’était bon partout,
Comme si on a tous les mêmes manières
De faire la partouze,
On héroïse l’Occident
Pis on diabolise le méchant,
On boit le même maudit lait caillé,
Pis on le trouve même pas dégoutant,

On colonise pis on colonise

Depuis longtemps,
Bien avant l’arrivée du conquistador au visage blanc,
Mais t’en as rien à foutre
Tant que tu reçois ton comptant,
Tant que t’as de quoi dans le ventre t’es content,

On colonise pis on colonise

On coud l’index avec le doigt du milieu,
Pour souder le symbole de paix,
Pis on dirige ces doigts collés entre tes deux yeux,
Comme un pistolet

Pis juste avant d’appuyer sur la gâchette
On te dit : meurt ou achète!!!!