Photo © Suzi Medeiros

Sois toujours poëte, même en prose

12 août 2009

Cicatrice

C’est une saison grise et les larmes ne se versent plus de ma vision
car le versant de la rivière a changé de direction
alors elles coulent par en dedans
Et si le coin de mes lèvres pointe vers le haut
c’est que je n’ai plus la force de tirer vers le bas
car avec toi j’ai touché le fond
et en bas il est plus difficile de creuser dans le roc
que de remonter à la surface où le vent semble souffler pour te donner l’élan de te relever

Et pourtant je te pardonne ta lâcheté

Dans les jours de pluie je regarde par ma fenêtre pour y voir mon reflet
et de ce mirage se trace des gouttes d'eau qui ruissellent sur la vitre
Ça donne l'impression aux passants que mon corps pleure de tous ses membres
Et si je meurs demain que l’on dissèque ma dépouille
pour y voir les empreintes que tu y as laissées -
Des cicatrices invisibles à la surface
mais plus profondes qu’une balle qui te perfore le cœur et ressort de ta chair par derrière pour t'attirer sur le sol avec elle

Et pourtant je te pardonne ta méchanceté

Je reprends ma plume pour écrire sur de petits bouts de papiers
des mots secrets que j’avais gardés pour te faire une surprise
Des mots qui se bousculent sur une feuille blanche pour finir en poème et exprimer toutes les émotions que j’ai maintenant enfermées dans un coffre de fer -
un coffre que j’ai verrouillé avec une clé -
une clé que j’ai avalée pour qu’elle pende sur un crochet suspendu à mon cœur
et que je pourrai décrocher que lorsque tu le feras battre encore

Et pourtant je te pardonne de me laisser te pardonner

Assise devant ma réalité j’attends encore le jour où j’aurai le courage d’affronter les souvenirs du moment où par derrière quelqu’un m’a poussée en bas de la falaise
Je t’en pris, dis-moi que ce n’était pas toi –
et où seras-tu lorsque j’aurais besoin de toi?
Car je sais que tu ne seras pas présent

Et pourtant je te pardonne déjà de ne pas être là

Moi qui suis toujours là pour toi et j'y resterai pour te nourrir jusque dans ta tombe
que je déterrerai pour m’endormir près de toi
là où tu ne pourras plus me repousser –
là où enfin tu verras que ma chaleur te sera utile –
là où tu verras que je t’attends encore

Et pourtant. . .