Photo © Suzi Medeiros

Sois toujours poëte, même en prose

27 mars 2009

Une ride au Cégep

Il s'asseoit sur le siège conducteur,
moi du passager,
c'est un homme repentit de sa jeunesse,
accablé par son travail et ses richesses,
son visage est aussi dur que dictature,
et sa stature lui donne fier allure de militaire,
moi j'étais étudiant,
un jeune puceau face au monde des chimères,
nous discutons,
sur le fil triangulaire de l'horizon,
nous parlons de rien,
jusqu'à ce que je glisse mes aspirations,
sur le tableau de bord,
il fronce les sourcils,
dans le rétroviseur de ses convictions,
il m'écoute glaçialement,
car lorsque je lui parle de travail,
il ne voit que REER et placements,
les pneus roulent sur les boulevards grisâtres de l'automne;
un silence enveloppe l'air pour un moment,
il cherche ses mots,
un proverbe ou un slogan,
un nid-de-poule rompt le silence;
c'est par son expérience qu'il m'avoue,
que dans la vie,
on ne peut faire ce que l'on aime,
car pour lui le travail,
c'est marcher dans la boue,
c'est dormir debout,
c'est ce qu'un homme doit faire pour joindre les deux bouts,
aimer sa job,
c'est pour les fous,
à ces yeux je devais être innocent,
moi qui croyait en l'impossible,
à briser les chaînes de l'esclavagisme,
ou celles du rationnalisme,
un nuage gris m'emporta,
le moteur s'arrêta,
je sortis de l'automobile,
le remercia de m'avoir reconduit,
lui il repartit sur la route,
probablement convaincu d'avoir bien agit,
moi je repartis dans des doutes,
sur le rythme effrené de mes cours,

prenez note;
c'est à coup de désillusion,
que l'on tue la jeunesse,
et les saisons

19 mars 2009

Je te salue

Je te salue
sauveur de l'hostilité des froides journées,
ami des oiseaux et de la faune florescente,
tailleur du gendre féminin limitant la longueur du tissu,
briseur de glace et de mascarade du carnaval,
marmotte qui s'empresse hâtivement de braver son museau à la foule,
virus qui sème la contagion des sourires,
bonheur dans une bouteille vide que l'on ingurgite en quantité atmosphérique,
thérapeute des plus dépressifs du genre,
horticulteur des jours heureux,
promoteur du vert comme un Irlandais à la Saint-Patrick,
regain d'espoir comme un président noir,
catalyseur des mauvaises énergies,
calorifère naturel qui pousse sur le terreau fertile du quotidien,
impresario du cycle de la vie,
cycle que l'on ne peut freiner comme les chaînes de l'existence humaine,
fornicateur professionnel faisant l'amour à notre moral,
personnage mesquin qui prend parfois trop de temps pour passer à l'action,
marin revenu des torrents gargantuesques de la mer,
constructeur de terrasses aux abords des boulevards humides,
poseur de lumières, électricien légendaire,
fossoyeur du gel à-n'en-pu-finir dans le cimetière de l'hiver,
non, tu n'es pas un poisson d'avril

tu me rappelle à quel point j'appartiens à cette planète,
tu me rappelle ces coulées de sirop d'érable sur une neige qui me semble douce à ma peau,
à ces conquêtes de jeunesse où l'on s'empresse de prendre siège comme un manège,
à ces journées adolescentes où nous brûlions l'encens des rois pour la première fois,
à ces toits plus légers tout comme l'épaisseur de nos vêtements,
à une plume qui chatouille nos sens,
à ces raisons pourquoi il y a peut-être un Dieu à quelque part à barbe blanche, en turban, ou en tunique orange,
tu me rappelle l'odeur des granges de campagnes,
au bruit d'un bouchon d'une bouteille de champagne,
tu me rappelle et me fait oublier cette chanson de Gilles Vigneault,
tu me rappelle à quel point j'existe et jusqu'à quel point je peux oublier pour un moment tous ces ravages qui détruisent la planète,
lorsque je vois ces femmes tu me rappelle que je suis animal,
tu me rappelle que j'ai une mémoire et qu'elle peut m'amener des souvenirs précieux comme présent,
pour toutes ces raisons et encore plus,

je te salue
allié des nations,
de la mienne en particulier;
peu importe comment l'on t'appelle

11 mars 2009

On ne meurt que dans les pensées

Je pense à vous
figures plus floues que le brouillard
qui se sont dissipées dans l'ombre des mes mémoires
quand pourtant vous étiez là

À quelque part près de moi
dans mon parcours téméraire
à me sourire ou à me tendre main et propos
lorsque nous nous sommes croisés

Sur le firmament de notre providence
je ne me rappelle plus de vos noms
ni même ne saurais-je reconnaître votre visage
s'il apparaîtrait dans une foule tel un mirage

C'est que vous êtes décédés, il y a de cela longtemps
lorsque je vous ai oublié
dans la mire de mon existence
parmi les insignifiances de mon passé

Vous faites parti de ces fantômes
qui me hantent encore à ce jour
jusqu'à ce que vous reveniez comme par miracle
dans la réincarnation de l'imparfait

Je ne sais pas qui vous êtes
mais je sais que vous êtes
que vous avez déjà été, tenanciers de mon présent
comme le printemps en avril

Jusqu'à ce que l'été vienne vous remplacer
c'est là que je réalise bêtement
que l'on ne meurt que dans les pensées

10 mars 2009

Minha cara linda!

J’aimerais pouvoir crier et que l’écho de mes cris résonne dans la tête de tous les hommes pour leur donner plus de conscience
Parce que je vis comme si je meure chaque jours alors que je devrais mourir en vivant pleinement chaque minute, chaque seconde, chaque atome

Dans un espace flou de ma mémoire repose de petits éclats de souvenirs qui viennent noircires le rire des enfants
Mais j’ai peine à croire à ma propre mémoire, comme si ces épisodes n’étaient qu’un rêve ou un récit qu’on m’avait raconté et dont j’étais le personnage principal

Plus je vis au nord plus mon cœur fond alors qu’il devrait mieux se conserver dans la froideur de ce pays
Et si je marche vers le sud, finirais-je par me sentir plus vivante et aurais-je la force de me livrer au tout puissant?

Quelqu'un entendera-t-il mon cœur qui bat à travers cette pollution de bruits qui devient sourde à l’oreille des accoutumés?
Et si je m’allonge sur le sol pour y écouter les sanglots de la terre, quelqu’un me tendra-t-il sa main pour me relever de l’obscurité de sa souffrance qui m’aura envahie pour un peu se libérer?

J’ai les genoux qui saignent tellement j’ai prié pour qu’on cesse de faire d’eux une marchandise qui comme une cuve de vin peut donner un cru exceptionnel ou au contraire perdre toute sa valeur
Et dans mon désespoir j’arrive à m’endormir en songeant à mon impuissance dans tout ce délire

Mais lorsque je t’entends m’appeler et courir vers moi en levant les bras pour que je te berce dans les miens
Lorsque je te vois sourire et danser en tapant des mains pour animer la scène
Lorsque tu poses ta tête sur mon épaule pour t’endormir à bout d’énergie car tu es épuisé d’avoir travaillé toute la journée à nous rappeler qu’il reste toujours de l’espoir;
le moi qui semblait n’être plus qu’une coquille vide se remplie de nouveau comme une fleur qui renaît à travers les débris


6 mars 2009

Pourquoi je rap...?

Tu m’as demandé pourquoi je rap et j’ai figé, je suis resté aussi neutre qu’une statue, aussi muet que silence, je ne savais quoi répondre car aucun mot ne me venait à l’esprit, j’aurais pu dire n’importe quoi, évoquer n’importe quelle salade, mais rien ne m’aurait satisfait réellement, rien n’aurait expliqué cette obsession que j’ai pour les mots et les percus, chose qui t’a profondément choquée,

Aussi simple que cette question pouvait paraître,
Je suis resté immobile, à fixer le vide, à voyager dans le néant, à creuser dans ma tête sans atteindre le fond de mes idées, j’aurais pu parler de mes buts, de mes passions, de mes ambitions ou de carrière, j’aurais pu parler de mission, m’inventer des raisons comme un politicien invente une rhétorique habile pour gagner des intentions de vote, mais si j’avais répondu, je me serais senti trahi, je serais resté sur mon appétit, peut-être n’avais-je tout simplement pas la réponse car personne ne me l’avait posé auparavant,

Aussi banal que cela puisse paraître,
Je me suis rendu compte que je rappais sans penser comme un animal mange et dort sans se questionner, comme un automatisme-né dans les réflexes du chien de Pavlov, cette question me hante encore aujourd’hui, car je n’ai toujours pas de réponse précise, encore aujourd’hui il m’arrive de me demander pourquoi, d’entendre la voix d’un adulte qui tente de me ramener sur terre, de me dire que c’est un jeu d’enfant ou d’adolescent, que je ne suis pas digne de porter l’habit de ma poésie, que je devrais m’assagir et passer à autre chose,

Aussi choquant que cela puisse paraître,
Après ça me revient, cette fièvre qui m’emporte dans l’engouement de vouloir créer un rythme sur papier car une feuille vide me fait penser à un instrument que l’on ne joue pas, je lance alors des jets d’encre dans un cycle dément, après je récite, j’enregistre,j’écoute et je deviens mon propre fan, j’attends toujours de savoir ce que mon âme va concocter cette fois, l’effet surprise, le cadeau que je porte en moi,

Aussi narcissique que cela puisse paraître,
j’ai parfois peine à croire que c’est moi que l’on entend car ces idées me sont venues comme par magie, comme si on m’avait soufflé un brin d’intelligence pour un instant et que je l’ai régurgité ensuite,

Aussi étrange que cela puisse paraître,
Parfois certains m’avouent apprécier mon œuvre, alors je me remets au processus, je retourne à l’usine, dans ma chaîne de production, peu importe le coût, même si je sais que ma musique est parfois un investissement sans-retour, comme une automobile, comme une voiture qui me permet de voyager dans l’inconnu, alors je me dis que j’accomplis peut-être quelque chose, c’est là que je reviens à moi-même, que je retourne à un moi le plus pur, le plus près de mon univers,

Aussi bizarre que cela puisse paraître,
Malgré le martelage de ma raison, mon inspiration gagne le dessus, même sans contrat de disque, sans site web ou de rotations sur les stations, car ce principe me va comme un gant et me permet de vivre, d’être, d’immortaliser mes pensées comme une photo immortalise une image, d’avoir l’impression de retenir l’attention du silence, de rallier des solitudes,

Aussi nébuleux que cela puisse paraître,
Ensuite je réalise que je porte un don, qu’il me faut l’exploiter d’une manière ou d’une autre sinon c’est toute ma personne qui risque d’éclater, je ne peux peut-être pas réparer ta laveuse-sécheuse ou réanimer ton cœur mais je peux écrire une chanson qui vient du cœur, sur un fil d’artère, je suis beaucoup plus que ça et je ne prétends pas être plus, c’est tout simplement chose que je fais, de cause à effet, chose qui me permet d’être, de donner un héritage de moi-même comme un peintre peint, comme un photographe enregistre des images, comme un b-boy break, ou comme un sculpteur sculpte, de laisser un héritage de lyrisme dans les vestiges du temps, c’est ce qui rallie mon être au monde, au tout-puissant, au tout, à tout ce qu’on appelle divin ou matière, rapper pour rallier les deux bouts de l’infini, rapper pour flotter dans l’atmosphère, rapper pour les pours, rapper pour rien,

Aussi flou que cela puisse paraître,
Tu m’as demandé pourquoi je rap, et je te répondrai par trois points de suspension,...