Photo © Suzi Medeiros

Sois toujours poëte, même en prose

23 septembre 2009

J'décroche

On dit qu’une identité personnelle se construit à travers le regard des autres,
Moi on me colle une étiquette cheap sur mon dos comme sur un bibelot qui traîne dans un magasin d’antiquités,
À cause que j’mélange des voyelles,
Parce que mon cerveau fait pas les mêmes liens que la moyenne,
Fait que j’me retrouve cloué sur un banc d’école à côté de d’autres aussi perdus que moi-même,
Aussi dépourvus de moyens,
Devant un prof qui saisit aucunement mon problème,
Qui mélange ma dyslexie avec les troubles hyperactifs du ptit Alexi,
Un prof tout l’temps sur la rush
Tellement qu’il nous garoche des taloches de matière en fonction de son taux horaire,
Un prof tout l’temps sur la fatigue
Pis qui perd la plug et la boussole devant mon incompréhension qui m’suffoque,
Fait que j’suis juste un autre handicapé,
Un criss d’incapable comme dit mon père,
Un rescapé sur la ligne de tir du système,
Quand croire en soi c’est devenu du sport parce que ya pu de support,
C’est comme faire face à un garde-robe vide d’espoir,
Fait que j’me laisse choir,
Alors que j’suis encore sur la ligne de départ,
Ceux de mon âge sont déjà à la ligne d’arrivée du diplôme,
Comme si j’avais pas entendu le pistolet de plomb,
Je devais être sourd,
De toute façon c’est tout ce qu’on pense de moi depuis toujours,
Fait que c’est bin correct j’vais pu rien entendre,
Parce qu’au moins c’est plus facile d’en prendre,
De toute façon les temps de verbe ça m’emmerde,
Mon futur est déjà dans ‘’l’red’’,
Fait que qu’est-ce que tu veux qu’on m’enseigne?
Autant mieux déserter ces foutues réserves qu’on appelle classes spéciales,
Où j’me trouve mal classé parce que chu classé cave,
J’aime mieux m’enfoncer ailleurs,
Que de vivre dans le fossé de la noirceur,
Travailler de mes deux mains c’est tout ce que j’sais faire,
Moi à qui on n’a jamais appris à se servir de sa cervelle,
Parce qu’on pense que j’suis rien d’autre qu’un maudit serveur de serviettes,
Qu’un laveur de vaisselle,
Ou un raton-laveur de poubelles,
Ya pas personne qui est jamais venu me donner un coup de pouce,
On m’a juste sous-estimé quand c’était le temps de venir à ma rescousse,
As-tu idée comment j’en ai ras-le-bol de l’école?!
Pourquoi j’ai pu rien à perdre fait que c’est pour ça que j’déconne,
Que j’décolle avec mes fumeux de pot pour vivre juste un peu plus en bémol,
Fait que laisse faire tes paroles en parabole moralisatrice
Sur l’importance des lettres pis des chiffres qui sont aussi complexes que des hiéroglyphes,
Chu écœuré de vivre dans mon trou enfoncé au plus bas
Qui devient toujours plus profond à force de me faire insulter de tous bords,
Chu écœuré de me faire à croire que tout va,
Quand j’me sens marcher tout nu dans la toundra,
La compétition scolaire c’est pas pour moi cette toune-là,
De toute façon chu pas con,
Je le sais que l’important c’est l’argent, le cash, la palette pis le signe de piastre,
Toutes mes idoles ont bin réussi sans nécessairement être instruit,
Et puis zut, vive le profit,
C’est bin mieux que la pression pis les reproches,
Que la solitude pis la criss de frustration au sternum,
Fait que la prochaine fois que j’ai un call plus payant,
J’prends l’appareil pis j’décroche…

8 septembre 2009

À l'aube de l'automne

Au début je comptais les secondes, les minutes, les heures
ensuite je comptais les jours, les semaines, les mois . . .
maintenant je compte les saisons -
les saisons qui séparent le moment où la douleur n’existait pas du moment ou elle disparaîtra -
Et peu à peu je m’aperçois qu’elle est là pour y rester
Qu’il y a des plaies qui ne guérissent pas
ou des cicatrices de plus en plus profondes qui ne font que recouvrir la surface de quelque chose qui pourrie par en dedans,
quelque chose qui consomme tout ce dont tu avales et qui calme sa soif en buvant ton sang

Et on te dit de donner du temps au temps et il viendra un moment où tout ira mieux,
qu’un jour ça ne fera plus mal,
que ce sera comme un conte de fée qu'on t'as raconté
parce que dans ces histoires il y a toujours une princesse triste et un prince à la fin qui vient pour la sauver

Alors je me suis levée et j’ai commencé à marcher pour rencontrer ce moment en cours de route pour sauver du temps
Au lieu de l'attendre ici et davantage m’enfoncer -
Mais parfois, même le temps ne retrouve pas son chemin
il se perd dans la brume car il n'a pas laissé assez de traces pour se retrouver
ainsi la blessure ne se referme jamais car il est impossible de recoller tous les morceaux de verre d’une bouteille de vitre qui s’est éclatée contre le sol -
Parce qu'il y a des poussières qui se sont envolées dans les airs
de petites particules qui manquent pour recoller tous les morceaux d'un coeur brisé que même un prince ne pourrait combler

Et avant je croyais qu’il y avait toujours un moyen de guérir
Alors j’ai traversé rivières, océans et déserts
J’ai affronté typhons, tornades et ouragans
J’ai même confronté les volcans en éruptions et les tremblements de terre au plus haut de l’échelle de Richter
J’ai tout fait pour trouver un antidote
Mais parfois, comme le temps ne guérit pas, l’antidote n’existe pas
car je sais maintenant qu'il y a des rêves qui ne se réalisent pas...
et qu'elle ne reviendra pas

J'ai alors construit la muraille de Chine tout autour de moi pour me protéger des périodes d’épidémies
Mais en vain . . .
il faut plus d'une vie pour recouvrir le ciel et se protéger de ses tempêtes -
Alors la douleur persiste comme une maladie incurable qui t’envahie un peu plus à tous les jours mais qui prend des années à t'anéantir -
car mourir devient soudainement le seul espoir restant que la souffrance aura une fin comme elle a eu un début

Mais j'aimerais vivre longtemps
ou un peu plus encore
j'aimerais sourire et ne plus faire semblant de rire...
oublier qu'on nous l'a volée
car je voudrais faire chaque pas avec elle à mes côtés comme avant
Comme chaque nuit je m’endors avec elle dans ma tête,
comme je la vois dans mes pensées,
comme je la berce dans mes rêves...
pour me réveiller à l’aube et entendre les pleurs qui me ramène à la réalité

Ainsi en vérité, tout comme chaque seconde se transforme en saison,
les larmes qui ne devaient être qu'un petit ruisseau
se sont maintenant transformées en une mer d'eau salée
qui inonde les côtes
et moi je suis au centre en espérant me noyer dans la pluie de l'automne
avant que l’hiver n'arrive et que je doive me mettre à compter les années
qui séparent le moment où tout a commencé

5 septembre 2009

il traduisait les textes de Edgar A. Poe...il dédiait à Victor Hugo

La mort des amants

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.

Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux;

Et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.

- Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1857

3 septembre 2009

Faut de la fuite dans les idées!

Un soir au théâtre, Alexandre Dumas était gêné par le chapeau de la dame assise juste devant lui.

- Madame, ne pourriez-vous pas enlever votre chapeau, demanda Dumas. J'ai payé ma place pour un louis, c'est pour voir quelque chose!

- Et moi, Monsieur, j'ai payé six louis mon chapeau, c'est pour qu'on le voie!